Mars et ses jours de pluie continue, m'ont conduite à passer plus de temps devant ce clavier.
Alors j'ai écrit, une petite nouvelle, juste pour faire oublier la morosité de l'époque.
A cause d'un méchant virus, un certain "Coronavirus", nous devons sortir le moins possible!
  A​​​​​lors lisons !
Je vous invite à me suivre dans mon imagination, pour un voyage en 4 épisodes.

Un peu d'écriture.

Une route mène toujours quelque part.

Une ombre noire avance en titubant sur la place d'un petit village
Gersois, d'à peine une centaine d'habitants; pour l'heure,
ils restent confinés à l'ombre de leurs épais murs de pierres grises.
Qui aurait la folie de sortir par ce cagnard, au pire du soleil ?
La plus part des villageois sont à la sieste, cette sacro-sainte sieste!!!
Pourtant, une femme assise derrière sa fenêtre, regarde, curieuse
et intriguée, cette forme humaine--un étranger à n'en pas douter--
qui péniblement s'approche de la fontaine où chante une fine coulée d'eau claire; d'ordinaire, elle n'abreuve plus guère que les moineaux ou quelques chiens perdus.
Elle trône sous les grands tilleuls qui abritent de vieux bancs de bois moussus.
C'est là une image bucolique, très appréciée des touristes de passage,
qui s'empressent de la photographier pour leurs albums de souvenirs de vacances.

L'ombre noire qui boit goulûment l'eau fraîche dans ses mains creuses, n'a rien de commun avec des touristes ; eux sont toujours vêtus de couleurs vives, souvent avec des accords de mauvais goût...
Ils sont aussi bruyants qu'elle est silencieuse. Sous son accoutrement informe, difficile de dire si c'est un homme ou une femme, jeune ou vieux, bon ou mauvais.....

Amarante est de ces personnes qui aiment savoir qui fréquente les abords de chez elle.
Pas qu'elle soit vraiment aux aguets, mais sa façade donne sur la place,
d'où elle aime regarder la fontaine, les tilleuls qui lui donnent les saisons mieux que l'almanach des postes et les vieux du coin, qui viennent se raconter des blagues et commenter le journal du jour, en fumant leur pipe, quand la tiédeur revient à la tombée du jour.
Ils sont trois ou quatre habitués, aussi dissipés que des gosses à la sortie de l'école.

L'ombre noire s'est maintenant avachie sur le banc du fond.
Amarante ne peut pas voir son visage parce qu'elle a une capuche qui tombe devant sa figure... elle porte des bottes---des rangers peut-être---et ce qui semble être un vieux treillis délavé;
pourtant, sa frêle silhouette lui fait penser à une femme...
Qu'est ce qu'elle doit avoir chaud dans ses frusques, se dit Amarante !

Des heures sont passées et l'ombre noire est toujours là, on la dirait endormie...
La place est toujours déserte, car même le soleil, presque couché,
n'a pas diminué la température..
cette nuit, il faudra faire des courants d'air pour espérer dormir.

D'une pensée à l'autre, Amarante commence à s’inquiéter du sort de l'inconnu.
<- Va-t-il passer la nuit sur ce banc, est-ce un vagabond qui n'a nulle part où aller, pourquoi a-t-il choisi ce village pour se poser, a-t-il de la famille par ici, est-il trop fatigué pour continuer sa route, a-t-il faim?
Tiens ! Cette dernière question lui donne une idée...
<-Et si j'allais lui proposer un petit en-cas... justement, j'ai fait des beignets ce matin, --des merveilles-- c'est bon les merveilles! et il pourrait en emporter pour continuer son voyage?!

A ce moment, l'ombre sortit de sa torpeur et se remit à boire à la fontaine...elle se baigna le visage et le tapota délicatement.
<-C'est sur, c'est une femme, se dit Amarante. Zut, elle va s'en aller...

Mais au contraire, l'inconnue sort de son espèce de musette, un plaid et s’apprête à se coucher dessus...
Ah! C'en est trop!!! Amarante se dépêche de mettre une dizaine de merveilles dans un sachet en papier, et elle sort, guillerette, pour se diriger tout droit vers l'étrangère, bien décidée à lui venir en aide.
D'abord surprise, mais pas apeurée, l'inconnue retire sa capuche de son visage--qu'elle a plutôt jeune et joli-- avec une tignasse brune, qui n'a pas croisé une brosse depuis longtemps.
<- Bonsoir; vous parlez Français ?
Un signe de la tête plus tard, Amarante est rassurée sur la dangerosité de ce petit être, qui lui paraît malmené par la vie, et s'aventure à lui tendre les beignets.
L'inconnue est affamée et ne se fait pas prier pour mordre dedans à pleine dents, et pour maquiller ses lèvres de sucre glace.

Il se passe quelques minutes, où Amarante la regarde manger en silence,
elle donne à peine 16 ans à cette jeune fille, peut-être plus.
Elle aura sûrement fui une famille, qui la cherche peut-être?
Toujours prête à donner de l'attention aux autres, notre Amarante se fait violence pour ne pas poser toutes les questions (qui lui brûlent la langue, comme on dit par ici) de peur de la gêner ou de la mettre en fuite.
Alors elle attend... assise à coté d'elle, ses mains croisées sur ses genoux, l'air détaché, se concentrant sur les oiseaux dans les arbres.
Enfin rassasiée, l'inconnue se tourne vers elle avec un petit sourire:
<-Merci...
<-Amarante, je m'appelle Amarante...comme la fleur...
j'habite là, dit-elle en désignant la jolie façade aux volets verts clairs;
et vous, mon petit ?
<-Je m'appelle Jacinthe, comme la fleur... ma mère adorait leur parfum;
L'espace d'une seconde, une tristesse passa sur son petit visage; ce genre d'émotion qui vous revient lorsque le souvenir d'un être cher se manifeste.

                                                                        ***********************                                    

La nuit était presque tombée, maintenant; les premières étoiles s’installaient au dessus de leurs têtes, la fraîcheur commençait à se faire sentir, et Amarante, sortie tout à l'heure sans son chandail, commençait à frissonner...
Comment s'informer des intentions de la jeune fille, sans paraître intrusive, sans la brusquer? 
<-Oh! Tant pis, je me lance, se dit Amarante.
<-je dois rentrer mon petit, car Tigri ne va pas tarder, et s'inquiéter de mon absence.
<-Qui est Tigri, demanda Jacinthe?
<-C'est le chat qui habite chez moi; enfin, c'est plutôt moi qui habite
    chez lui, si vous voyez ce  que je veux dire...!
Jacinthe partit d'un rire qui découvrit des superbes dents blanches.
<-Quel beau sourire vous avez... ça me fait plaisir de vous voir rire.
<-J'adore les chats; j'en avais un quand j'étais petite.....
Et à nouveau , ce voile de tristesse passa sur ces grands yeux.

<-Où allez-vous dormir ce soir, mon petit?
<-Ici sans doute, si ça ne gêne personne; il fait beau, la nuit sera douce.
<-Mais vous n'y pensez pas, s'exclama Amarante
<-Oh, j'ai connu bien pire, Madame; ne vous en faites pas pour moi; vous pouvez rentrer. Merci encore pour vos  beignets et pour votre sollicitude; peu de gens tendent la main aux étrangers, pas trop présentables comme moi.
<-Que nenni, Jacinthe! Je vous invite à passer la nuit chez nous;
Tigri sera heureux de vous recevoir et vous pourrez prendre un bain chaud, si ça vous dit.
J'ai même un pyjama qui devrait vous aller.

Sans grandes réticences, malgré quelques hésitations, Jacinthe suivit Amarante et elles entrèrent dans la maison sous les ''acclamations'' de Tigri, pas farouche, et heureux d'avoir ce soir, le double de caresses!
Amarante s'empressa d'apporter des serviettes et des produits de bain au parfum de lavande et dirigea Jacinthe vers la grande salle de bain qui offrait un délicieux confort, chose qui manque toujours aux voyageurs «sacs à dos»
<-Prenez tout votre temps, je vous prépare une chambre...

Jacinthe prit un bain bien frais, elle n'aimait pas l'eau chaude... Elle lava puis coiffa longuement ses beaux cheveux et se regarda dans la glace en souriant...elle avait repris figure humaine, et s'en félicita.
Elle enfila le pyjama confié, s'étonnant qu'il soit parfaitement à sa taille...et elle rejoignit son hôte qui l'attendait devant un plateau garni de petits sandwiches et de grands verres de citronnade maison.
<-Madame...
<-Amarante, s'il te plait ...tu permets que je te tutoie? Quel age as-tu?
<-J'ai bientôt 18 ans, Mad..... Amarante. Je ne sais comment vous remercier de votre accueil... je partirai demain de bonne heure...
<-Teu teu teu, mon petit... rien ne presse, passe d'abord une bonne nuit dans un lit que j'espère confortable et demain, tu aviseras de la suite à donner à ton voyage.
Tigri était en extase sous les caresses de Jacinthe qui semblait être rassurée sur son avenir immédiat. Quelques banalités furent échangées pendant le petit lunch, et elles se séparèrent assez vite: le bain avait exténué Jacinthe.

Amarante eu du mal à trouver le sommeil...
Tant de souvenirs, de similitudes avec une partie de sa vie...
une déchirure, restée une plaie grande ouverte.
                                                                                                                                                                                               A suivre

 

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