Episode 3

Episode 3

                                                     Rebrousse chemin 

Amarante se réveilla en sursaut... Tigri grattait à la porte, l'après midi touchait à sa fin, de vilains nuages noirs se faisaient menaçants, la pièce était plongée dans une tiède pénombre.
<-Je me suis endormie? Comment est-ce possible, dit-elle à haute voix en ouvrant la porte à son chat qui ne se gêna pas pour l'enguirlander à grands miaulements !  
Elle repoussa vite la porte car un vent tourbillonnant voulait entrer, accompagné des feuilles des tilleuls qu'il avait froissé et arraché...c'était souvent comme ça en fin d'été.

Comment avait-elle pu passé autant d'heures dans ses souvenirs?
Combien de temps avait-elle dormi? Oh! Il était presque 18 heures....
Certes, elle n'avait pas grand chose à faire, mais quand-même!!!

Soudain, un petit grattement à la porte...
<-Mais, je deviens folle? Je croyais avoir fait rentrer Tigri? Décidément aujourd'hui, ce n'est pas mon jour...
Elle rouvrit la porte et faillit tomber à la renverse; Jacinthe se tenait devant elle avec un triste regard inquiet... des larmes avaient coulé sur ses joues... ses mains étaient blessées.
<-Mon dieu, mais que-t'est-il arrivé, ma pauvrette?
<-Je suis tombée dans un petit ravin en longeant le ruisseau de Jarras. j'ai réussi à remonter en  m'accrochant aux fourrés.
Amarante , j'ai honte de revenir comme ça vers vous, mais je n'ai nulle part où aller et pas d'argent pour me faire soigner... 
Pouvez-vous m'héberger encore une nuit, je repartirai demain et vous n'entendrez plus parler de moi...promis, dit-elle avec des sanglots dans la voix et des larmes aux coins des yeux .
<-Mais ma chère enfant, tu es plus que bienvenue! Entre vite: tu as très bien fait de revenir. Je suis heureuse de la confiance que tu m'accordes. Et je n'ai aucun problème pour te soigner;  
j'ai une longue carrière d' infirmière derrière moi, alors tes bobos ne seront qu'un mauvais souvenir dans deux ou trois jours.
<-Tu es ici chez toi, tu restes tant que tu voudras, un point c'est tout !!!
    On ne revient pas là dessus, O.K?
Amarante soigna toutes les égratignures des mains de Jacinthe .. c'était sans gravité .
Puis elles passèrent la soirée à discuter de choses et d'autres, sans aller jusqu'aux confidences.
Après un léger repas et un petit tour dans la salle de bain, Jacinthe remit le pyjama d'hier et revient s'asseoir dans la cuisine, où Amarante s'affairait à ranger la vaisselle.
Pendant ce temps, elle promenait son regard dans la pièce et vit un petit cadre sur le buffet, qu'elle n'avait pas remarqué hier... Une belle jeune fille y était représentée. Elle s'enquiert de savoir qui elle était...
Amarante se retourna brusquement, étonnée--- elle avait sans doute sorti ce cadre pendant son retour dans ses souvenirs---et ne l'avait pas rangé . Elle fut bien obligée de répondre qu'il s'agissait de sa fille, Rose.
<-C'est drôle, sourit Jacinthe... nous avons toutes des noms de fleur.
    Où est Rose , maintenant?
Amarante regarda Jacinthe avec tant de tristesse que la jeune fille compris que la question allait entraîner une réponse dramatique.
<-Vous n'êtes pas obligée de me dire … pardon Amarante; je ne voulais pas vous attrister. 
<-Non petite fleur, ne t'excuse pas. Nous devrons finir par nous connaître un peu mieux toutes  les deux, si nous nous côtoyons quelques jours...
 je suis curieuse aussi de savoir pourquoi tu es sur les routes et tu dois savoir, que Rose n'est plus de ce monde.
On reparlera demain si tu veux; c'est une très longue histoire …j'ai un peu peur qu'elle ressemble, par certains cotés, à la tienne...d'histoire!
Allons nous coucher, Tigri dort déjà sur ton lit.

                                                        Jacinthe 

Au matin, le soleil brillait sur la place où dansaient des clartés changeantes, des ombres et lumières qui feraient l'enchantement de nombreux aquarellistes.
<-Cette place est vraiment belle avec cette fontaine et ces arbres, se dit Jacinthe qui s'était levée plus tôt qu'hier.
Amarante avait laissé un mot sur la table, disant qu'elle était partie au marché, qu'elle ne tarderait pas, mais que pendant son absence, Jacinthe se régale du petit déjeuner servi sur la table du jardin, à l'arrière de la cuisine.

Qu'est ce que c'est joli !!! L'endroit sentait les roses et le chèvrefeuille, les hortensias et le lierre panaché se partageaient les murs coté ombre; les lavandes, les lauriers roses et des rampantes blanches, formaient des camaïeux tellement doux …
Jacinthe en oublierait presque de manger, pourtant l'odeur de la brioche encore tiède venait se rappeler à elle …
<-Suis-je au paradis, dit-elle à voix haute? Maman? Es-tu là...?
est-ce toi qui a guidé mes pas vers ce village, cette place, cette maison, cette Amarante ???
Souvent, elle parlait à sa mère... sans en attendre de réponse, bien-sur
mais en s'imaginant ressentir des signes....une présence.
Elle entendit alors la porte d'entrée s'ouvrir et Amarante rentrer, chargée d'un grand panier, débordant de légumes et de fruits
<- Oh la la... vous n'avez pas pris tout ça pour moi j'espère, dit Jacinthe en riant ?
<-Non bien-sur, pour nous deux, sans oublier ce gourmand de Tigri , répondit Amarante en riant de bon cœur!!!
Une fois les victuailles rangées, toutes deux revinrent goûter au bien-être du petit jardin; assises à la table de fer forgé, au large plateau carrelé d'ocres et verts mélangés, elles profitaient de l'air parfumé encore tiède … bientôt il fera trop chaud pour rester dehors.

<-Voilà le moment venu de se connaître mieux, dit Amarante. Dis moi, s'il te plaît, qu'est ce qui t'a fait partir de chez toi ?
<-Je n'ai plus de chez moi... ma mère est morte et mon père n'a jamais été présent ! Je n'ai plus personne, même pas de grands parents; ils avaient coupé les ponts avec Maman...je ne les ai jamais rencontré; peut-être sont-ils morts eux aussi...
<-Mais enfin,Jacinthe, qui s'est occupé des obsèques de ta maman?
<-En fait, je n'en sais rien... l’hôpital, je suppose... Les pompes funèbres m'ont dit que tout était réglé; A la crémation, il y avait surtout des voisins et quelques-uns de ses collègues de travail.
<-Le prêtre m'a dit qu'il me faudrait hélas, quitter la maison où nous étions en loyer. c''est ce que j'ai fait... j'ai liquidé tous nos meubles et j'ai stocké quelques objets-souvenirs, à la campagne, chez les parents d'une copine du lycée qui, très gentiment, m'ont offert une petite chambre dans une de leur dépendance .
J'y suis restée le temps de régler tout ça ; Ils me permettent de garder la clé, comme si cette chambre m'appartenait...
<-Mais alors pourquoi es-tu partie? Comment se fait-il que tu sois là, assise en face de moi aujourd'hui? Raconte, Jacinthe, fais moi confiance...
<-J'ai confiance, Amarante! J'ai vraiment de la chance d'avoir rencontrer de belles personnes comme les parents de ma copine et maintenant, vous... je crois que ma mère me guide et me protège.
<-Certainement, dit Amarante... tu sais ''je crois très fort à l'incroyable''...
On a besoin de se raccrocher à des signes visibles que de nous.
<-Lorsque tu es revenue hier, tu m'as dit n'avoir pas d'argent, alors de quoi comptes-tu vivre?
<-En fait, je n'ai pas grand choix... il me faut absolument atteindre mes 18 ans,---c'est seulement dans 2 mois---pour éviter d'être mise en foyer !!! Pour l'argent, j'aurai alors ce qu'il faut pour commencer ma vie, trouver un travail, avoir un petit studio. Maman avait prévu, au cas où... une assurance décès m'attend à ma majorité... en attendant, j'ai un petit compte personnel, mais j'y fais très attention, il faut qu'il dure plusieurs mois.
Amarante n'en revient pas de la sagesse, du sérieux, de la maturité de cette toute jeune fille... elle ne peut s'empêcher de penser à Rose, qui hélas ne réfléchissait pas au delà de l'instant présent....
<-Je te félicite Jacinthe, tu m'impressionnes!!! Tu vas réussir ta vie, à n'en pas douter.
<-Merci Amarante, j'essaie que Maman sois fière de moi; je veux qu'elle sache que ''les bases'' (disait-elle) qu'elle m'a donné, sont respectées à la lettre!!!
<-Si je comprends tout, tu espères voyager incognito pendant deux mois, et à ce moment là, tu demanderas à faire valoir tes droits ?
<-C'est bien ça!
<-Si tu as besoin d'aide, je connais quelqu'un de confiance, qui m'a beaucoup aidé quand... quand j'ai du faire face à la disparition de Rose.
<-Merci Amarante... quand je vous dis que j'ai de la chance, dit-elle en riant
                            <-Oui mon petit, tu as frappé à la bonne porte.....

                                                                                             A suivre

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