Pour illustrer la fin de cette nouvelle, j'ai trouvé cette Image du net.

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Evolution du drame

Il devait être 11 heures lorsque Jacquot prit le chemin, silencieusement,
sans siffler, sans chanter, pour quitter la maison de Jeanne.

Elle, elle ne put s'astreindre aux tâches ménagères habituelles.
Pourtant, c'est presque automatiquement qu'elle prépara les gamelles
des chats et porta les sacs de pains durs et de grains, à l'orée de la forêt.
Les animaux n'étaient pas responsables de cette situation qui lui enserrait
la tête et le cœur...mais eux, contrairement à elle, avaient faim tous les jours.
Ensuite, elle décida d'aller marcher le long de la craste …(petit ruisseau)
elle aimait cet endroit mais pas les moustiques qu'elle abreuvait de son sang.
C'était un moyen de réfléchir sans autre trouble que le chant des oiseaux
et le parfum des bruyères qui atténuait l'odeur de la résine.

Elle avait l'impression d'être revenue en arrière … un saut dans le passé.
Certaines se seraient mises à pleurer, elle, elle se mit à compter!!!
Un impression de perte de bonheur, d'insouciance, de cette légèreté
d'esprit, 
qu'elle avait retrouvé en venant s'installer ici,
comme protégée, 
enveloppée, nourrie, par la présence de son frère.
<-Que vas-tu devenir ? lui avait-il dit->
Soudain elle se posa la même question;
ces deux années de vie avaient été faciles, grâce à ses visites régulières,
leurs longues conversations, leurs connivences,  leurs rires, leurs repas partagés,
tant de soirs, sur la terrasse ou devant la cheminée
Effectivement, si son frère était emprisonné ou si il retournerait vivre avec son ex,
elle allait forcément sentir davantage le poids de la solitude, du temps qui passe.


Jeanne pensait souvent que le plus grand cadeau que la vie pouvait lui faire,
serait de lui permettre de mourir dans un moment heureux.
Alors peut-être que ça devrait être maintenant, ou demain, ou bientôt....

Elle se sentait épuisée maintenant et se décida à rebrousser chemin.
Arrivée en vue de Toi-Paradis, elle vit la voiture de la gendarmerie 
Son cœur se serra au point de lui faire mal, très mal...
Une fois de plus, elle dut s'appuyer contre un tronc d'arbre;
son écorce si chaude avait toujours été un réconfort pour elle.
Elle disait y puiser sa force.

Qu'était-il arrivé ? Elle n'osait plus avancer …
Les quelques pas restants pour atteindre ces gendarmes, lui paraissaient lourds.
La scène semblait la menace ultime, le danger de mort pour sa vie actuelle.
<-Jeanne, nous venons vous avertir que votre frère s'est rendu à la brigade
    pour s'accuser de viol sur la personne de son ex-compagne.
    Nous l'avons conduit à l'hôpital car il a été blessé par arme à feu.
    Ne vous affolez pas, il va bien; la balle tirait dans son dos,
    n'a atteint que l'épaule.
    Il nous a demandé de venir vers vous pour vous rassurer
    et parce que vous êtes la mieux placée pour nous relater les faits
    de cette affaire->
<-Merci Messieurs, venez vous asseoir sur la terrasse...
    je vais vous raconter le peu que je sais!->

                        ******************

Et voilà comment, une fois de plus , la Jeanne se retrouva à faire
la nounou de son grand couillon de frère, pour leur plus grand bonheur
à tous les deux.
Lui savait qu'il pouvait compter sur elle dans les pires circonstances,
et elle, savait qu'elle avait besoin de son affection et de sa présence.
Elle était fière de lui !!!
Oh! pas de ce qu'il avait fait... ça, non, c'était moche et impardonnable;
mais parce qu'il avait enfin réussi à dire NON, à la Mathilde !

Bon d'accord! Il avait failli le payer de sa vie;
mais elle n'avait pas visé juste; pourtant c'était une très bonne tireuse …
peut-être ne voulait-elle pas vraiment le tuer, juste lui faire peur,
et calmer sa colère, sa vexation???
Il avait osé lui dire non; il l'avait repoussé …. ELLE ?!
Alors, sans doute n'avait-elle écouté que son orgueil blessé.
Elle avait compris que peut-être le temps ne lui avait pas été favorable …
que ni son pouvoir, ni son sex-appeal, ne pourrait le faire revenir vers elle.
Et le voyant partir sans se retourner, elle avait saisi son arme et avait tiré !!!
Instantanément, elle avait regretté son geste, avait sauté sur son portable
pour appeler les secours.
Drôle de situation...
Après l'avoir presque tué, c'est elle-même qui lui a sauvé la vie!!!
Quelque part , toute l'animosité de Jeanne envers elle, venait de disparaître.

Dénouement
L'affaire fut jugée quelques mois après et chacun décidèrent
de ne pas porter plainte; même si les faits furent obligatoirement jugés,
la clémence des juges leur évita la prison à tous les deux.
Elle, qui aimait tant les bijoux, eu la chance de voir sa cheville ornée
d'un beau bracelet.............(gratuit)
Lui, ne fut condamné qu'à du sursis; sa blessure avait été son meilleur avocat;
Il s'installa complètement chez Jeanne, ce qui la combla de bonheur.
Jacquot fut handicapé plusieurs mois mais les séances de kiné
finirent par redonner de la mobilité à son épaule.

                                       **********************
Jeanne sentait qu'elle n'était plus aussi alerte qu'avant toute cette histoire.
Son corps s'ankylosait malgré tous ses efforts pour garder un peu,
de ce qui avait été sa grande souplesse.
Elle pensait de plus en plus souvent à l'arrivée du prochain printemps...
Le 70 eme printemps ... Aucune femme de sa famille ne l'avait connu !

Elle avait peur des dates qui lui parlaient d'hérédité.
Sans en parler à Jacquot, elle fit le nécessaire auprès de son fidèle notaire,
pour protéger son frère chéri au cas où elle s'en irait dans un autre paradis.
Lui aussi aimait cette petite maison, alors il en prendrait soin.
Elle lui faisait confiance pour continuer à nourrir les chats et tous ses protégés.

Elle lui proposa de refaire la petite plaque de la maison.
<-Jacquot, je voudrai qu'on la rebaptise: "Le Paradis de Jeanne"->
Et c'est le champagne à la main qu'ils posèrent ensemble la nouvelle plaque
juste au dessus du banc de la terrasse, comme un tableau décoratif.
Encore une belle soirée comme d'autres tout au long des mois qui suivirent.

                                                   *********************
Jacquot avait repris du poil de la bête comme on dit, et déjà pensait pouvoir
faire la prochaine ouverture de la chasse, au grand dam de Jeanne!
Ils avaient repris leurs rires et leur complicité, mais elle se sentait très fatiguée.
Pourtant, tous les matins, elle lui préparait ses petits déjeuners
avec ses confitures improbables, qu'il dégustait avec éloges et compliments.
Lui se chargeait du goûter du soir, des petits toasts, des mini bouchées,
pour son appétit d'oiseaux... elle mangeait de moins en moins,
mais toujours avec plaisir; elle dégustait lentement ces petits délices
en sirotant parfois une bonne bière.
Quand les températures étaient clémentes, ils veillaient ainsi sur la terrasse,
enveloppés dans des plaids laineux, jusqu'à la fin du jour, dans les lueurs
des lanternes, et ces soirées toutes simples les rendaient infiniment heureux.. 

                         **************************
Le temps est compté             
C'est au matin du 19 Mars que Jacquot tomba à genoux devant sa sœur
qui se balançait sur son fauteuil et ne le reconnaissait plus..............
Il comprit tout de suite, ce qui arrivait ! 
Contrairement à ce que croyait Jeanne, Jacquot savait!!!
Elle était atteinte d'une maladie, qui se perpétuait, à toutes les femmes
de leur famille, et pour beaucoup, avant le cap des 70 ans,
fatalement redouté .


Les yeux fixes, perdus au loin, elle répétait :
<-Demain c'est le printemps, le 70 eme ! ->
Comme un disque rayé,
elle énumérait la dernière dizaine qu'elle venait de vivre

60/61/62/63/64/65/66/67/68/69.....
<-et le 70 eme printemps ? sera ou sera pas ????->
Jacquot lui prit les mains et se mit à chanter, tout doucement,
au milieu de ses larmes, cette chanson : ""
Puisque tu pars""... (Goldman)
""Sans drames, sans larmes,
pauvres et dérisoires armes,
parce qu'il est des douleurs
qui ne pleurent qu'à l'intérieur
puisque ta maison ,
aujourd'hui c'est l'horizon,

dans ton exil, essaie d'apprendre à revenir
mais pas trop tard.""


Elle écoutait, semblait l'entendre, et souriait avec tendresse,
mais, recommençait à compter .
60/61/62/63... etc. etc. etc. comme une berceuse ou une litanie

Puis elle se tut, juste avant l'heure, où allait naître le printemps,
elle aurait du fêter ses 70 ans..........

 

                                                         FIN

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