Pour vous qui avez suivi patiemment du début à la fin en manifestant votre gentil intérêt,
pour vous qui aimez lire tout simplement ou pour vous qui n'avez rien d'autre à faire
smileyJe récapitule ici les 4 épisodes de ma petite nouvelle
****************

Une histoire de femmes-fleurs... (la complète)

Une route mène toujours quelque part.

Une ombre noire avance en titubant sur la place d'un petit village
Gersois, d'à peine une centaine d'habitants; pour l'heure,
ils restent confinés à l'ombre de leurs épais murs de pierres grises.
Qui aurait la folie de sortir par ce cagnard, au pire du soleil ?
La plus part des villageois sont à la sieste, cette sacro-sainte sieste!!!
Pourtant, une femme assise derrière sa fenêtre, regarde, curieuse
et intriguée, cette forme humaine--un étranger à n'en pas douter--
qui péniblement s'approche de la fontaine où chante une fine coulée d'eau claire; d'ordinaire, elle n'abreuve plus guère que les moineaux ou quelques chiens perdus.
Elle trône sous les grands tilleuls qui abritent de vieux bancs de bois moussus.
C'est là une image bucolique, très appréciée des touristes de passage,
qui s'empressent de la photographier pour leurs albums de souvenirs de vacances.

L'ombre noire qui boit goulûment l'eau fraîche dans ses mains creuses, n'a rien de commun avec des touristes ; eux sont toujours vêtus de couleurs vives, souvent avec des accords de mauvais goût...
Ils sont aussi bruyants qu'elle est silencieuse. Sous son accoutrement informe, difficile de dire si c'est un homme ou une femme, jeune ou vieux, bon ou mauvais.....

Amarante est de ces personnes qui aiment savoir qui fréquente les abords de chez elle.
Pas qu'elle soit vraiment aux aguets, mais sa façade donne sur la place,
d'où elle aime regarder la fontaine, les tilleuls qui lui donnent les saisons mieux que l'almanach des postes et les vieux du coin, qui viennent se raconter des blagues et commenter le journal du jour, en fumant leur pipe, quand la tiédeur revient à la tombée du jour.
Ils sont trois ou quatre habitués, aussi dissipés que des gosses à la sortie de l'école.

L'ombre noire s'est maintenant avachie sur le banc du fond.
Amarante ne peut pas voir son visage parce qu'elle a une capuche qui tombe devant sa figure... elle porte des bottes---des rangers peut-être---et ce qui semble être un vieux treillis délavé;
pourtant, sa frêle silhouette lui fait penser à une femme...
Qu'est ce qu'elle doit avoir chaud dans ses frusques, se dit Amarante !

Des heures sont passées et l'ombre noire est toujours là, on la dirait endormie...
La place est toujours déserte, car même le soleil, presque couché,
n'a pas diminué la température..
cette nuit, il faudra faire des courants d'air pour espérer dormir.

D'une pensée à l'autre, Amarante commence à s’inquiéter du sort de l'inconnu.
<- Va-t-il passer la nuit sur ce banc, est-ce un vagabond qui n'a nulle part où aller, pourquoi a-t-il choisi ce village pour se poser, a-t-il de la famille par ici, est-il trop fatigué pour continuer sa route, a-t-il faim?
Tiens ! Cette dernière question lui donne une idée...
<-Et si j'allais lui proposer un petit en-cas... justement, j'ai fait des beignets ce matin, --des merveilles-- c'est bon les merveilles! et il pourrait en emporter pour continuer son voyage?!

A ce moment, l'ombre sortit de sa torpeur et se remit à boire à la fontaine...elle se baigna le visage et le tapota délicatement.
<-C'est sur, c'est une femme, se dit Amarante. Zut, elle va s'en aller...

Mais au contraire, l'inconnue sort de son espèce de musette, un plaid et s’apprête à se coucher dessus...
Ah! C'en est trop!!! Amarante se dépêche de mettre une dizaine de merveilles dans un sachet en papier, et elle sort, guillerette, pour se diriger tout droit vers l'étrangère, bien décidée à lui venir en aide.
D'abord surprise, mais pas apeurée, l'inconnue retire sa capuche de son visage--qu'elle a plutôt jeune et joli-- avec une tignasse brune, qui n'a pas croisé une brosse depuis longtemps.
<- Bonsoir; vous parlez Français ?
Un signe de la tête plus tard, Amarante est rassurée sur la dangerosité de ce petit être, qui lui paraît malmené par la vie, et s'aventure à lui tendre les beignets.
L'inconnue est affamée et ne se fait pas prier pour mordre dedans à pleine dents, et pour maquiller ses lèvres de sucre glace.

Il se passe quelques minutes, où Amarante la regarde manger en silence,
elle donne à peine 16 ans à cette jeune fille, peut-être plus.
Elle aura sûrement fui une famille, qui la cherche peut-être?
Toujours prête à donner de l'attention aux autres, notre Amarante se fait violence pour ne pas poser toutes les questions (qui lui brûlent la langue, comme on dit par ici) de peur de la gêner ou de la mettre en fuite.
Alors elle attend... assise à coté d'elle, ses mains croisées sur ses genoux, l'air détaché, se concentrant sur les oiseaux dans les arbres.
Enfin rassasiée, l'inconnue se tourne vers elle avec un petit sourire:
<-Merci...
<-Amarante, je m'appelle Amarante...comme la fleur...
j'habite là, dit-elle en désignant la jolie façade aux volets verts clairs;
et vous, mon petit ?
<-Je m'appelle Jacinthe, comme la fleur... ma mère adorait leur parfum;
L'espace d'une seconde, une tristesse passa sur son petit visage; ce genre d'émotion qui vous revient lorsque le souvenir d'un être cher se manifeste.

                                                   ***********************             
 
La nuit était presque tombée, maintenant; les premières étoiles 
s’installaient au dessus de leurs têtes, la fraîcheur commençait à se faire sentir, et Amarante, sortie tout à l'heure sans son chandail, commençait à frissonner...
Comment s'informer des intentions de la jeune fille, sans paraître intrusive, sans la brusquer? 
<-Oh! Tant pis, je me lance, se dit Amarante.
<-je dois rentrer mon petit, car Tigri ne va pas tarder, et s'inquiéter de mon absence.
<-Qui est Tigri, demanda Jacinthe?
<-C'est le chat qui habite chez moi; enfin, c'est plutôt moi qui habite
    chez lui, si vous voyez ce  que je veux dire...!
Jacinthe partit d'un rire qui découvrit des superbes dents blanches.
<-Quel beau sourire vous avez... ça me fait plaisir de vous voir rire.
<-J'adore les chats; j'en avais un quand j'étais petite.....
Et à nouveau , ce voile de tristesse passa sur ces grands yeux.

<-Où allez-vous dormir ce soir, mon petit?
<-Ici sans doute, si ça ne gêne personne; il fait beau, la nuit sera douce.
<-Mais vous n'y pensez pas, s'exclama Amarante
<-Oh, j'ai connu bien pire, Madame; ne vous en faites pas pour moi; vous pouvez rentrer. Merci encore pour vos  beignets et pour votre sollicitude; peu de gens tendent la main aux étrangers, pas trop présentables comme moi.
<-Que nenni, Jacinthe! Je vous invite à passer la nuit chez nous;
Tigri sera heureux de vous recevoir et vous pourrez prendre un bain chaud, si ça vous dit.
J'ai même un pyjama qui devrait vous aller.

Sans grandes réticences, malgré quelques hésitations, Jacinthe suivit Amarante et elles entrèrent dans la maison sous les ''acclamations'' de Tigri, pas farouche, et heureux d'avoir ce soir, le double de caresses!
Amarante s'empressa d'apporter des serviettes et des produits de bain au parfum de lavande et dirigea Jacinthe vers la grande salle de bain qui offrait un délicieux confort, chose qui manque toujours aux voyageurs «sacs à dos»
<-Prenez tout votre temps, je vous prépare une chambre...

Jacinthe prit un bain bien frais, elle n'aimait pas l'eau chaude... Elle lava puis coiffa longuement ses beaux cheveux et se regarda dans la glace en souriant...elle avait repris figure humaine, et s'en félicita.
Elle enfila le pyjama confié, s'étonnant qu'il soit parfaitement à sa taille...et elle rejoignit son hôte qui l'attendait devant un plateau garni de petits sandwiches et de grands verres de citronnade maison.
<-Madame...
<-Amarante, s'il te plait ...tu permets que je te tutoie? Quel age as-tu?
<-J'ai bientôt 18 ans, Mad..... Amarante. Je ne sais comment vous remercier de votre accueil... je partirai demain de bonne heure...
<-Teu teu teu, mon petit... rien ne presse, passe d'abord une bonne nuit dans un lit que j'espère confortable et demain, tu aviseras de la suite à donner à ton voyage.
Tigri était en extase sous les caresses de Jacinthe qui semblait être rassurée sur son avenir immédiat. Quelques banalités furent échangées pendant le petit lunch, et elles se séparèrent assez vite: le bain avait exténué Jacinthe.

Amarante eu du mal à trouver le sommeil...
Tant de souvenirs, de similitudes avec une partie de sa vie...
une déchirure, restée une plaie grande ouverte.
  
 

Le lendemain (épisode 2)

La clarté d'un nouveau jour s'invitait déjà dans la chambre d'Amarante, lorsqu'elle ouvrit les yeux en ce matin d'été.
Presque aussitôt, les événements d'hier apparurent; avait-elle rêvé cette histoire? Elle se leva en vitesse et arriva dans la cuisine où était resté la «musette» de Jacinthe. Non! Elle n'avait pas rêvé; elle avait bien une invitée. Elle prépara un solide petit déjeuner. 
Si la jeune fille reprenait la route ce matin, il lui faudrait prendre des forces;<-Chez nous, pensa Amarante, on ne part pas le ventre vide!
Elle émit un petit rire en se souvenant que ''Lilha'',sa mère, lui disait toujours ça!!!
Elle nourrit Tigri, qui repu, demanda à sortir pour sa tournée matinale; pas de changements notoires à la journée qui commence... jusqu'à l'arrivée de Jacinthe, dans la pièce, toujours en pyjama...
<-Hum, qu'est-ce que ça sent bon, Amarante;
    Heureusement que je m'en vais, sinon, vous me feriez grossir?!
<-Et ça ne te ferait pas de mal... tu me sembles bien maigrichonne, non?!
<-Oh, je n'ai jamais été bien ronde... maman n'était pas souvent devant les fourneaux. J'avais     plus souvent des biscuits ou des chips, mais je n'étais pas difficile.
<-oui, sans doute... Amarante hocha la tête, décontenancée, évitant de relever pour ne pas critiquer; mais comment peut-on nourrir ainsi, des enfants! ce n'est pas sain.
Elle, pour qui la table était le moyen le plus sur, d'aider à satisfaire les corps comme les esprits, elle n'aimait pas trop ce qu'elle entendait....
Jacinthe se régala de tout ce qui était à sa disposition, en s'excusant de temps à autres de ''se goinfrer'' ...
<- mais c'est tellement tentant, disait-elle avec des yeux pétillants de gourmandise.
Amarante était aux anges de voir cette jolie petite, toute belle, toute propre et tellement plus vivante qu'hier. On la croirait presque heureuse.

 

Puis Jacinthe décida le moment venu, de partir.... 
<-Vous direz au revoir à Tigri, hein Amarante? Merci mille fois de toute cette gentillesse, que vous m'avez si naturellement offert, sans rien en échange...c'est très très rare, je vous assure. encore merci. Je ne vous oublierai pas.
Amarante sentit sa gorge se nouer...
<-AH! foutue sensibilité, se secoua t-elle en rentrant dans sa maison vide, après avoir regardé Jacinthe se perdre dans l'horizon du bout de la rue, frustrée de ne pas savoir ce qui l'avait mise sur les routes!!!
Amarante se sentait lasse maintenant... comme si toute sa vivacité habituelle s'était envolée avec Jacinthe, et qu'à sa place, son lourd tourment s'imposait à elle.

                                                   
Amarante et Rose 
Avant d'être la jeune retraité d'aujourd'hui, Amarante avait vécu ailleurs, dans une grande ville, où elle avait un beau métier mais qui ne lui laissait que peu de temps pour sa famille........
Sa famille? Des parents vieux, mais très présents, un compagnon autoritaire mais amoureux, et une fille.... Rose .
Rose, s'était annoncée trop vite, dans le jeune couple qui avait eu à peine le temps de se découvrir, de se connaître;
Amarante ne se sentait pas prête et émit l'idée de ne pas la voir venir au monde...mais son compagnon s'y était fermement opposé, ses parents aussi. Comment pouvait-elle???
Alors elle s'était pliée à l'avis général, et la petite fille était née.
Durant ses premières années, Rose fut heureuse; ses grands parents palliaient au manque de présence des deux parents, trop occupés à leurs affaires.
Mais vint le jour où disparurent Papou et Lilha...ensemble dans un terrible accident de voiture.
La fillette, d'une douzaine d'années alors, fut cruellement marquée.....Amarante s'était alors beaucoup rapprochée, privilégiant sa fille à son travail---elle avait réussi à changer de poste pour être plus présente, plus complice, fusionnelle même.
Mais, dans sa quinzième année, c'est son père qui partit de la maison, laissant femme et enfant, pour vivre un autre amour... sans vraiment se soucier du mal qu'il faisait à sa famille complètement déboussolée.
Amarante se dévoua complètement à Rose, elles n'étaient plus que deux maintenant dans ce qu'elles voulaient encore appeler une famille!!!

Les deux années qui suivirent donnèrent rides et cheveux blancs à Amarante!
Malgré tous ces efforts, toute son attention, son amour de vraie maman, Rose dérapa dangereusement.
Elle n'était plus la gentille petite fille de Papou et Lilha... elle était devenue l'ombre d'elle même, faisant payer, on ne sait quels tributs, à sa mère désemparée.
De son père, elle ne voulait plus entendre parler et les mauvaises fréquentations s'installèrent.... Et ce fut la descente aux enfers, pour elle et sa mère.
Et puis, la maladie s'en mêla...une de ces maladie qui avance à couvert!!!
On ne peut pas grand chose pour aider son propre enfant; on se sent coupable de tout, on se flagelle d'être impuissant .
Les médecins vous expliquent que c'est souvent vers l'age de 18 ans que les premiers signes apparaissent, qu'on n'en connaît pas vraiment le mécanisme, mais qu'avec un traitement suivi, tout rentrera dans l'ordre:
<-Soyez patiente, Madame .
Oh! patiente, aimante, attentionnée, Amarante l'a été; toujours... tellement...
De commissariats en cliniques, de squats en caniveaux, de fugues aussi--les fugues sont le pire des calvaires pour des parents--ne plus rien savoir de son enfant; s'imaginer le pire.

Et puis...et puis, la dernière disparition .
Le jour où on frappe à votre porte avec ces terribles mots:
''on a retrouvé un corps''

                                                   Rebrousse chemin (épisode 3)

Amarante se réveilla en sursaut... Tigri grattait à la porte, l'après midi touchait à sa fin, de vilains nuages noirs se faisaient menaçants, la pièce était plongée dans une tiède pénombre.
<-Je me suis endormie? Comment est-ce possible, dit-elle à haute voix en ouvrant la porte à son chat qui ne se gêna pas pour l'enguirlander à grands miaulements !  
Elle repoussa vite la porte car un vent tourbillonnant voulait entrer, accompagné des feuilles des tilleuls qu'il avait froissé et arraché...c'était souvent comme ça en fin d'été.

Comment avait-elle pu passé autant d'heures dans ses souvenirs?
Combien de temps avait-elle dormi? Oh! Il était presque 18 heures....
Certes, elle n'avait pas grand chose à faire, mais quand-même!!!

Soudain, un petit grattement à la porte...
<-Mais, je deviens folle? Je croyais avoir fait rentrer Tigri? Décidément aujourd'hui, ce n'est pas mon jour...
Elle rouvrit la porte et faillit tomber à la renverse; Jacinthe se tenait devant elle avec un triste regard inquiet... des larmes avaient coulé sur ses joues... ses mains étaient blessées.
<-Mon dieu, mais que-t'est-il arrivé, ma pauvrette?
<-Je suis tombée dans un petit ravin en longeant le ruisseau de Jarras. j'ai réussi à remonter en  m'accrochant aux fourrés.
Amarante , j'ai honte de revenir comme ça vers vous, mais je n'ai nulle part où aller et pas d'argent pour me faire soigner... 
Pouvez-vous m'héberger encore une nuit, je repartirai demain et vous n'entendrez plus parler de moi...promis, dit-elle avec des sanglots dans la voix et des larmes aux coins des yeux .
<-Mais ma chère enfant, tu es plus que bienvenue! Entre vite: tu as très bien fait de revenir. Je suis heureuse de la confiance que tu m'accordes. Et je n'ai aucun problème pour te soigner;  
j'ai une longue carrière d' infirmière derrière moi, alors tes bobos ne seront qu'un mauvais souvenir dans deux ou trois jours.
<-Tu es ici chez toi, tu restes tant que tu voudras, un point c'est tout !!!
    On ne revient pas là dessus, O.K?
Amarante soigna toutes les égratignures des mains de Jacinthe .. c'était sans gravité .
Puis elles passèrent la soirée à discuter de choses et d'autres, sans aller jusqu'aux confidences.
Après un léger repas et un petit tour dans la salle de bain, Jacinthe remit le pyjama d'hier et revient s'asseoir dans la cuisine, où Amarante s'affairait à ranger la vaisselle.
Pendant ce temps, elle promenait son regard dans la pièce et vit un petit cadre sur le buffet, qu'elle n'avait pas remarqué hier... Une belle jeune fille y était représentée. Elle s'enquiert de savoir qui elle était...
Amarante se retourna brusquement, étonnée--- elle avait sans doute sorti ce cadre pendant son retour dans ses souvenirs---et ne l'avait pas rangé . Elle fut bien obligée de répondre qu'il s'agissait de sa fille, Rose.
<-C'est drôle, sourit Jacinthe... nous avons toutes des noms de fleur.
    Où est Rose , maintenant?
Amarante regarda Jacinthe avec tant de tristesse que la jeune fille compris que la question allait entraîner une réponse dramatique.
<-Vous n'êtes pas obligée de me dire … pardon Amarante; je ne voulais pas vous attrister. 
<-Non petite fleur, ne t'excuse pas. Nous devrons finir par nous connaître un peu mieux toutes  les deux, si nous nous côtoyons quelques jours...
 je suis curieuse aussi de savoir pourquoi tu es sur les routes et tu dois savoir, que Rose n'est plus de ce monde.
On reparlera demain si tu veux; c'est une très longue histoire …j'ai un peu peur qu'elle ressemble, par certains cotés, à la tienne...d'histoire!
Allons nous coucher, Tigri dort déjà sur ton lit.

                                                        Jacinthe 

Au matin, le soleil brillait sur la place où dansaient des clartés changeantes, des ombres et lumières qui feraient l'enchantement de nombreux aquarellistes.
<-Cette place est vraiment belle avec cette fontaine et ces arbres, se dit Jacinthe qui s'était levée plus tôt qu'hier.
Amarante avait laissé un mot sur la table, disant qu'elle était partie au marché, qu'elle ne tarderait pas, mais que pendant son absence, Jacinthe se régale du petit déjeuner servi sur la table du jardin, à l'arrière de la cuisine.

Qu'est ce que c'est joli !!! L'endroit sentait les roses et le chèvrefeuille, les hortensias et le lierre panaché se partageaient les murs coté ombre; les lavandes, les lauriers roses et des rampantes blanches, formaient des camaïeux tellement doux …
Jacinthe en oublierait presque de manger, pourtant l'odeur de la brioche encore tiède venait se rappeler à elle …
<-Suis-je au paradis, dit-elle à voix haute? Maman? Es-tu là...?
est-ce toi qui a guidé mes pas vers ce village, cette place, cette maison, cette Amarante ???
Souvent, elle parlait à sa mère... sans en attendre de réponse, bien-sur
mais en s'imaginant ressentir des signes....une présence.
Elle entendit alors la porte d'entrée s'ouvrir et Amarante rentrer, chargée d'un grand panier, débordant de légumes et de fruits
<- Oh la la... vous n'avez pas pris tout ça pour moi j'espère, dit Jacinthe en riant ?
<-Non bien-sur, pour nous deux, sans oublier ce gourmand de Tigri , répondit Amarante en riant de bon cœur!!!
Une fois les victuailles rangées, toutes deux revinrent goûter au bien-être du petit jardin; assises à la table de fer forgé, au large plateau carrelé d'ocres et verts mélangés, elles profitaient de l'air parfumé encore tiède … bientôt il fera trop chaud pour rester dehors.

<-Voilà le moment venu de se connaître mieux, dit Amarante. Dis moi, s'il te plaît, qu'est ce qui t'a fait partir de chez toi ?
<-Je n'ai plus de chez moi... ma mère est morte et mon père n'a jamais été présent ! Je n'ai plus personne, même pas de grands parents; ils avaient coupé les ponts avec Maman...je ne les ai jamais rencontré; peut-être sont-ils morts eux aussi...
<-Mais enfin,Jacinthe, qui s'est occupé des obsèques de ta maman?
<-En fait, je n'en sais rien... l’hôpital, je suppose... Les pompes funèbres m'ont dit que tout était réglé; A la crémation, il y avait surtout des voisins et quelques-uns de ses collègues de travail.
<-Le prêtre m'a dit qu'il me faudrait hélas, quitter la maison où nous étions en loyer. c''est ce que j'ai fait... j'ai liquidé tous nos meubles et j'ai stocké quelques objets-souvenirs, à la campagne, chez les parents d'une copine du lycée qui, très gentiment, m'ont offert une petite chambre dans une de leur dépendance .
J'y suis restée le temps de régler tout ça ; Ils me permettent de garder la clé, comme si cette chambre m'appartenait...
<-Mais alors pourquoi es-tu partie? Comment se fait-il que tu sois là, assise en face de moi aujourd'hui? Raconte, Jacinthe, fais moi confiance...
<-J'ai confiance, Amarante! J'ai vraiment de la chance d'avoir rencontrer de belles personnes comme les parents de ma copine et maintenant, vous... je crois que ma mère me guide et me protège.
<-Certainement, dit Amarante... tu sais ''je crois très fort à l'incroyable''...
On a besoin de se raccrocher à des signes visibles que de nous.
<-Lorsque tu es revenue hier, tu m'as dit n'avoir pas d'argent, alors de quoi comptes-tu vivre?
<-En fait, je n'ai pas grand choix... il me faut absolument atteindre mes 18 ans,---c'est seulement dans 2 mois---pour éviter d'être mise en foyer !!! Pour l'argent, j'aurai alors ce qu'il faut pour commencer ma vie, trouver un travail, avoir un petit studio. Maman avait prévu, au cas où... une assurance décès m'attend à ma majorité... en attendant, j'ai un petit compte personnel, mais j'y fais très attention, il faut qu'il dure plusieurs mois.
Amarante n'en revient pas de la sagesse, du sérieux, de la maturité de cette toute jeune fille... elle ne peut s'empêcher de penser à Rose, qui hélas ne réfléchissait pas au delà de l'instant présent....
<-Je te félicite Jacinthe, tu m'impressionnes!!! Tu vas réussir ta vie, à n'en pas douter.
<-Merci Amarante, j'essaie que Maman sois fière de moi; je veux qu'elle sache que ''les bases'' (disait-elle) qu'elle m'a donné, sont respectées à la lettre!!!
<-Si je comprends tout, tu espères voyager incognito pendant deux mois, et à ce moment là, tu demanderas à faire valoir tes droits ?
<-C'est bien ça!
<-Si tu as besoin d'aide, je connais quelqu'un de confiance, qui m'a beaucoup aidé quand... quand j'ai du faire face à la disparition de Rose.
<-Merci Amarante... quand je vous dis que j'ai de la chance, dit-elle en riant
                            <-Oui mon petit, tu as frappé à la bonne porte.....

 

Dénouement (épisode 4)

Jacinthe ne quitta pas Amarante et Tigri, durant les deux mois qui suivirent.
Une douce complicité avait grandi entre les deux femmes... une vraie affection comme si Amarante aurait pu être la grand mère de Jacinthe... tellement de similitudes dans leur vécu.
Jacinthe, si jeune, avait déjà été confrontée à tant de difficultés, à la mort de sa mère, et cet état d'abandon ressenti dans son corps tout entier, elle l'avait combattu avec une force insoupçonnée, avec un raisonnement, une volonté de s'en sortir, mieux que beaucoup d'adultes l'auraient fait…Finalement, elle en était assez fière!
Amarante, femme forte, mais déchirée, par la succession de drames: la mort de ses parents ensemble, dans un terrible accident, puis la fin de son couple qu'elle n'avait pas pressenti, pour finir par le drame dont on ne se remet jamais:
La perte de son enfant, sa fille Rose... assassinée !!!

Les journées sont passées vite, sans grands faits marquants;
Puis arriva le jour tant attendu! Les 18 ans de Jacinthe!!!
Ils furent fêter par un petit gâteau, des bougies, des rires et des larmes de tendre émotion; juste elles deux... et Tigri qui fit honneur à la chantilly dont il était friand.
Amarante lui offrit un joli pyjama, bien emballé dans un joli papier fleuri.
<-Celui-ci est bien à toi, juste pour toi. Tu dois en avoir marre de porter les vêtements de Rose? Demain, nous irons faire du shopping pour remplir une petite valise que tu choisiras pour ton entrée dans ta nouvelle vie!
<-Mais vous n'y pensez pas! répliqua mollement Jacinthe... Oh, merci de tout ce que vous faites pour moi … C'est trop, beaucoup trop; comment pourrai-je un jour vous remercier?
Amarante sourit, en lui prenant les mains, par dessus la table...
<-C'est déjà fait, ma petite! Parce que tu es entrée dans ma vie !

Rien de très habituel pour une fête d'anniversaire de telle importance! mais Jacinthe voulait encore restée discrète, invisible... bien qu'elle ne risquait plus rien! elle était maintenant MAJEURE !!! .


Comme promis, Amarante contacta son ami Paul, avocat à Bordeaux, lui conta toute l'histoire et lui confia l'avenir de sa petite protégée, à qui elle tenait beaucoup...Rendez-vous fut pris pour la semaine suivante.

Avant d'arriver à Bordeaux, Jacinthe passa prendre quelques documents, en banlieue, chez sa copine et présenta Amarante comme ''sa bonne fée''
Puis Amarante se perdit un peu dans les rues, avant d'arriver quand même à l'heure prévue, au cabinet de Paul.
Reconduire dans une grande ville, Amarante en avait perdu l'habitude... depuis la disparition de Rose, elle s'était retirée dans son petit village Gersois où elle essayait de vivre le plus sereinement possible, loin des tumultes, des bruits... des gens aussi.

Si jacinthe était impressionnée, Amarante et Paul étaient heureux de se revoir, après si longtemps disaient-ils... congratulations du genre:
<-mais tu n'as pas changé! toi non plus: Tu es toujours aussi jolie...
<-Oh! ne te moque pas, vilain flatteur !!!et ils riaient de bon cœur.
<-Alors voilà la jeune fille dont tu m'as parlé et qui a besoin qu'on la défende auprès des requins des assurances? Tu as raison, il faut être armé pour faire face à ce monde des droits et de l'argent.
<-Bonjour Monsieur; Amarante m'a beaucoup vanté votre professionnalisme...par contre, à ce     jour, je ne sais pas comment je pourrai payer vos honoraires.
<-Ha ha ha, mais il ne sera pas question d'argent pour votre affaire!
La protégée d'Amarante ne devra rien d'autre que d'être heureuse et de bien construire son avenir. Allez voyons votre affaire....

Paul saisit la grosse pochette de documents, pendant qu'Amarante et Jacinthe s’asseyaient face à lui, de l'autre coté de son imposant bureau.
L'avocat commença à lire et dès la première page, son visage se crispa.
Incrédule, il balançait son regard, des papiers à Jacinthe, puis à nouveau, des papiers à Amarante, pour revenir à Jacinthe........... durant quelques secondes qui parurent des heures, ce manège inquiéta les deux femmes qui se demandaient ce qui pouvait mettre Paul dans cet état.
<-Mais ce n'est pas vrai... je n'y crois pas! Comment c'est possible?
Jacinthe, vous êtes la fille de Violette Dessinart ? Violette Dessinart née Petit ?!
Jacinthe confirma d'un timide hochement de tête, sans comprendre ce qui clochait dans l'identité de sa mère....alors qu'Amarante comprit aussitôt en entendant ce nom de "Petit"... elle ouvrait de grands yeux sur Paul, sa bouche restait ouverte mais muette .
Non, ce n'était pas possible?! Un coup pareil du destin , ça tient du miracle !!!

 

Jacinthe se sentait exclue de la scène qui se déroulait devant elle, pourtant c'était bien elle, le centre de ces émotions extraordinaires qui faisaient que Paul avait bondi de son bureau et enlaçait, embrassait, mouillait de larmes le visage d'Amarante.
<- je n'y suis pour rien Paul, je suis aussi surprise que toi.... c'est le destin, seulement le destin... à moins que des êtres invisibles aient tout organisé pour que se produise ce bonheur.
Se retournant vers la jeune fille toujours aussi ''larguée''; il articula ces mots qui allaient changer toute la vie de Jacinthe...
<-Je m'appelle Paul Petit, Jacinthe... Je suis ton grand père !

Oui, toute la vie de Jacinthe changea à partir de cet instant!
Après toutes les explications qui informèrent la jeune adulte sur les pourquoi et les comment, sa mère était partie sans se retourner parce que ses parents n'avaient pas accepter facilement l'homme choisi, … et jamais elle n'était revenue en arrière.
Paul expliqua que sa grand mère s'appelait Fleur, qu'elle avait appris sa naissance, sans pouvoir se manifester.
Violette avait un de ces caractère qui ne pardonne rien! Fleur en avait beaucoup pleurer.....
Depuis son décès, voilà déjà 8 ans, Paul n'avait jamais refait sa vie.

Pourtant juste avant qu'elle ne s'éteigne, Violette  avait dicté une lettre pour son père, donné ordre qu'on lui transmettre cette missive après sa mort et qu'il ferait le nécessaire pour sa fille … c'est comme ça que l’hôpital l'avait contacté pour le règlement des frais d'obsèques, hélas trop tard; Jacinthe, s'était déjà enfui...pour que le hasard la conduise chez Amarante.
Le hasard? Non, non, ...jacinthe sentait bien le parfum de sa mère, flottant autour d' elle!!!
L'histoire pourrait s'arrêter là, mais le bonheur n'avait pas fini de faire des siennes !

                                             ********************
                                                   
 Épilogue
Dans les mois qui suivirent,  Jacinthe et Paul Petit , ""P.P"" disait Jacinthe en riant, venaient tous les week end retrouver Amarante chez elle et ils aimaient s'asseoir sous les tilleuls à coté de la fontaine. c'était comme un pèlerinage !

Les deux vieux amis se rapprochèrent tant, qu'au printemps suivant, ils unirent leur vie pour la plus grande joie de Jacinthe qui devint la petite fille chérie de ce ""tout jeune couple"" 

    Enfin la vie se fit belle et sereine pour cette nouvelle vraie famille!

 

FIN

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